Sciences sociales et immigration
L’émergence de l’immigration comme enjeu du débat public a contribué à ennoblir cet objet de recherche, longtemps considéré comme illégitime. Les succès électoraux du Front National, les réformes successives de la législation sur l’entrée et le séjour et l’inflation des discours médiatiques et politiques sur l’intégration, puis sur les discriminations, ont placé l’immigration au cœur de controverses scientifiques et politiques. L’objectif de ce séminaire, ouvert à tous, est de restituer la genèse sociale des concepts et des enjeux mobilisés dans ces débats, grâce à la présentation de travaux scientifiques récents.
Pour cela, nous avons choisi d’adopter une perspective résolument pluridisciplinaire. A chaque séance, l’intervenant proposera un texte, support à sa présentation, qui sera soumis à un discutant chargé d’introduire le débat avec les participants au séminaire. On s’efforcera de privilégier les travaux fondés sur des matériaux empiriques (archives, entretiens, terrains d’observation) et de centrer la discussion collective sur les apports de la conférence et sur les questions soulevées par la méthodologie et les concepts utilisés.
Le renouvellement du regard porté par les sciences sociales sur l’immigration sera appréhendé autour de trois grands axes thématiques. Tout d’abord, la politique d’immigration n’est plus analysée à l’aune exclusive des dispositions juridiques ou des conventions bilatérales négociées entre Etats d’origine et Etats d’accueil. De plus en plus de chercheurs attachent une grande importance à l’analyse des institutions intermédiaires et des agents mandatés pour appliquer, au niveau local, les règles de droit. De la même manière, la genèse des politiques publiques d’immigration gagne à être étudiée en redonnant toute sa place à l’action de l’État et à l’origine sociale des acteurs. Nous essaierons d’appliquer ce changement de perspectives à différents contextes historiques et nationaux. Par ailleurs, de nombreux travaux français et anglo-saxons s’intéressent désormais au poids de l’histoire coloniale dans la généalogie des discours, des enjeux et des pratiques relatifs à l’immigration. Nous tenterons de mettre en débat ce regard croisé entre histoire migratoire et histoire coloniale. Enfin, si la prise en compte des différentes institutions étatiques constitue un apport incontestable de l’historiographie récente, l’histoire de l’immigration ne saurait se réduire à l’exercice unilatéral du pouvoir de l’Etat sur les étrangers : elle se décline également selon les trajectoires des migrants et selon les stratégies qu’ils déploient tout au long de leur séjour dans la société d’accueil.